Les textes sélectionnés pour le 33e recueil de poésie « Pour l’instant »

Le jury composé de Carl Diotte, de Corinne Larochelle et de Danny Plourde, tous enseignantes et enseignants au département de lettres, a délibéré.

Parmi les 32 poèmes reçus cette année pour la sélection locale, voici les trois gagnantes et gagnants qui représenteront le Collège pour cette 33e édition. Les trois finalistes seront dévoilés lors du lancement du recueil qui se tiendra le 10 mai 2025 au Collège Ahuntsic.

Le premier prix est décerné au poème Un vide à soi, de Evi Bernard, pour la puissance des images qui interrogent une figure de double avec une originalité et une ardeur très personnelles.

La deuxième place revient au poème Décompose-moi, de Frédérique Renaud-Trudel, pour la force tellurique évoquée avec sensibilité et son rappel crucial quant à la nécessité de l’authenticité des liens entre les humains.

Enfin, la troisième place est décernée au poème (Se) perdre, de Juliette Comtois, pour la grande justesse de son écriture, caractérisée par des images à la fois sobres et dures qui s’accordent bien au propos du texte.

Merci à tous les participantes et participants.

Remerciements particuliers à Corinne Larochelle ainsi qu’aux professeures et professeurs qui ont accompagné les étudiantes et étudiants dans leur création: Patrick Lafontaine, Catherine Parent-Beauregard, Alexandre Drolet et Jacinthe Bédard.

Félicitations à ces étudiantes et étudiants, dont les textes seront publiés dans le 33e recueil de poésie Pour l’instant en mai 2025 :

  1. Evi Bernard

2. Frédérique Renaud-Trudel

3. Juliette Comtois

Un vide à soi

ma poupée
en semi porcelaine semi pansement
aux pieds de fissures enrobées
de satin rose ornées d’une boucle tel
un présent
de nos doigts on lui peint
un cœur aux lèvres l’étire
en lune demi-là
poignardée à l’inertie
par deux épingles aux bouts perlés

sur ma poupée on cloue
dentelle déchirée soie recousue
par des barbelés plaqués or

remballée dans un rêve
(pas le sien)
on la transperce en paralysie verticale
sur la flèche d’une église

naît une soif anthropophage dans
l’attente de la patience
la nuit le froid l’inconnu
dévoration de son voile
un vent trop fier
emmêlement de ses cheveux
un corbeau sans voix
exhumation de ses yeux

trouée ma poupée devient
creuse                 un vide observable
palpable
qu’on ceint d’un corset qu’on moule
en autre chose

on peut toujours la rembourrer
de plumes de pétales
la ramasser à la petite cuillère
inhumer ses os émiettés sous
une nouvelle pelure un aimant vivace
aux épines émoussées

Décompose-moi

Lune cuivrée pleure
ses larmes tombent dans mon œil  
mon sang coule dans le lac
des os poussent entre mes orteils
Fleurs rouges de mes entrailles
Reflétez le ciel

Un cerf abattu
Des flèches sans pointes percent ma gorge
Chasseur mangeur de cœurs
pratique la broderie sur ma peau

Ronces dans mes veines
Racines sous les yeux
Me voilà lié à la terre
Noces de vers sur ma langue

La mousse ronge mes ongles
Mes dents éraflent les roches
Vertèbres brisent la peau du dos
Tombent comme les bois des cervidés

Mort à l’âme
Mort à la moelle
Main dans la main avec un saule pleureur
Arbalète à la place des doigts

Accepte mon corps
Accepte le fil dévoré de mon cerveau
Accepte l’intestin vide qui s’écoule de mon ventre
Accepte mes muscles déchirés par les corbeaux
Accepte-moi comme je suis

(Se) perdre

J’ai perdu quelque chose
Que je ne sais plus chercher

Mon cœur asséché
S’est effrité de l’intérieur
Et maintenant il a un grand creux

Mes jambes engourdies
Marchent dans un mouvement automatique
Elles ne me répondent plus

J’ai peur
De m’étioler de l’extérieur
De laisser une miette de moi tomber
À chaque pas
Qui ne m’appartient plus

Peut-être que c’est à ça que ça sert
Le maquillage
À cacher sa peau pelée
Ses joues creusées
De trous irréguliers

À remplir de vide artificiel
Les morceaux de soi
Qu’on a perdus